Décennie de la restauration des écosystèmes 2021 – 2030
En février 2019, l’ONU a lancé la « Décennie de la restauration des écosystèmes 2021 – 2030 », un appel à la mobilisation internationale pour intensifier massivement la restauration. De nombreux écosystèmes sont couverts par cette initiative : des océans aux forêts, en passant par les zones humides, agricoles et urbaines. En effet il y a urgence à agir. La dégradation des écosystèmes a un impact négatif sur près de 3,2 milliards de personnes dans le monde. La perte de biodiversité et des services éco-systémiques engendrée, représente plus de 10% du produit intérieur brut mondial, tout en augmentant notre vulnérabilité face aux changements climatiques.
De nombreux acteurs et initiatives se sont emparés de cette ambition internationale. C’était déjà le cas avec le Défi de Bonn (Bonn Challenge) lancé en 2011, pour restaurer 350 millions d’hectares d’ici à 2030. En janvier 2020, des dirigeants internationaux (même Donald Trump, alors président des États-Unis d’Amérique) se sont joints à l’appel du World Economic Forum pour « planter 1.000 milliards d’arbres d’ici 2050 ».
Un engouement pour les arbres plus que bienvenu, mais qui sous-tend trop souvent des discours trop simplistes face à des enjeux très complexes.
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Mal nommer les choses, c’est…
… prendre le risque de focaliser notre attention, nos actions et nos moyens financiers uniquement sur la restauration, sans apporter de réponses concrètes à la racine des problèmes : la préservation des écosystèmes existants. Et cela pourrait avoir des conséquences négatives.
En effet, il ne suffit pas de restaurer les écosystèmes pour régler les problèmes qui ont conduit à leur dégradation, voire à leur destruction. C’est comme croire qu’il suffit d’envoyer des bateaux ramasser les déchets plastiques en mer, sans s’attaquer réellement à la source de ces déchets. « Planter des arbres » ne suffit pas pour s’attaquer aux causes de la déforestation ou de la malforestation.
« Il ne suffit pas de restaurer les écosystèmes pour régler les problèmes qui ont conduit à leur dégradation, voire à leur destruction. Mal nommer les choses, risque de focaliser notre attention uniquement sur la restauration, alors qu’il est nécessaire de prendre les problèmes à la racine, afin de préserver les écosystèmes existants. » – Jonathan Guyot, co-fondateur de la communauté all4trees
Une ambition à redéfinir
C’est pourquoi cette décennie devrait être renommée la « Décennie de la préservation ET de la restauration des écosystèmes ». Cela permettrait de mettre la préservation des écosystèmes au même niveau de priorité que la restauration.
Le premier article de la déclaration fait pourtant bien mention de la nécessité « d’appuyer et d’intensifier les efforts [dans la limite des moyens et ressources disponibles] visant à éviter, enrayer et inverser la dégradation des écosystèmes dans le monde et à sensibiliser à l’importance d’une restauration réussie des écosystèmes ».
Cette déclaration rappelle également aux États membres la nécessité « d’élaborer et mettre en œuvre des politiques et des plans visant à éviter la dégradation des écosystèmes, dans le respect de la législation et des priorités nationales ». Alors pourquoi ne pas avoir mentionné la « préservation » dans la dénomination de cette décennie ?
À mal nommer l’ambition, ne risque-t-on pas de passer à côtés des enjeux ? Déjà de trop nombreux acteurs focalisent uniquement leur attention et leurs financements sur la question de la restauration. En effet, s’il est nécessaire de « planter des arbres » pour restaurer les forêts (à travers la reforestation ou le reboisement), cela ne saurait stopper ou même juste, ralentir la déforestation et la dégradation des forêts.
Il est nécessaire de s’attaquer aux causes profondes, parfois complexes, pour réellement préserver les forêts existantes. Et une diversité de solutions existe.
Préserver les forêts et lutter contre la déforestation
Le dernier rapport de la FAO (2020) fait état d’une déforestation moyenne estimée à 10 millions d’hectares de forêts par an. Une légère baisse par rapport à la période d’inventaire précédente, mais des efforts conséquents restent à faire. La principale cause de déforestation reste le développement des activités agricoles (73%, FAO 2016), notamment avec l’agriculture commerciale (40%) et l’agriculture de subsistance (33%). De nombreux leviers permettent de réduire la déforestation à l’échelle internationale.
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Ainsi, pour réduire l’impact de :
- l’agriculture commerciale, les États et les entreprises, ainsi que les citoyens doivent réduire drastiquement la consommation de produits issus de la déforestation.
- l’agriculture de subsistance, il est nécessaire d’accompagner les populations locales dans la transformation des modèles agricoles vivriers, notamment à travers l’agroforesterie et le développement de filières économiques durables, permettant de pérenniser la préservation des forêts.
La dégradation des forêts reste quant à elle plus difficile à mesurer et évaluer. Pour cela, il est nécessaire de favoriser une gestion durable des forêts qui garantit le maintien des services écosystèmiques tout en permettant une exploitation des produits forestiers.
Il est aussi parfois question de définition. Par exemple à couvert forestier constant, il est possible d’avoir de plus en plus de plantations mono-spécifiques (d’eucalyptus, de douglas…), comme c’est le cas notamment en France avec l’industrialisation de la forêt, qui conduit à une « malforestation » et une surexploitation de certaines forêts.
La dégradation des forêts peut également être la conséquence de l’augmentation des sécheresses et des incendies dûs aux changements climatiques, de la propagation de parasites dans des peuplements forestiers ou tout simplement le résultat des erreurs passées dans le choix de la gestion forestière.
Découvrez des projets de préservation des forêts
Restaurer les écosystèmes par l’arbre
Une fois que les causes de la déforestation et de la dégradation des forêts sont identifiées, que les solutions ont commencé à être mises en place, il est possible de s’attaquer à la restauration des écosystèmes forestiers. La reforestation est souvent présentée comme une solution « simple et peu coûteuse ». Cependant, les sols parfois très dégradés, ou encore l’augmentation des sécheresses dans certaines régions du monde, rendent les opérations de restauration difficiles. La restauration des écosystèmes dégradés est un processus à long terme.
Il est également nécessaire de suivre des indicateurs. Or, trop souvent, les indicateurs de « réussites » des projets de reforestation s’expriment (ou plutôt sont attendus) en nombre d’ « arbres plantés » ou encore en « tonnes de CO2 absorbées ». Ces indicateurs ne représentent pas des indicateurs d’évaluation d’impacts, permettant d’évaluer la pérennité des projets pour les communautés locales. En effet, pour les populations locales, il est question de survie, d’alimentation et de revenus, avant tout.
C’est pourquoi un projet de reforestation doit toujours s’inscrire dans une approche holistique, permettant de développer des activités agricoles et des filières économiques durables. Un projet de reforestation ne peut se résumer à la simple « plantation d’arbres ».
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Il est également nécessaire de ne pas convertir d’autres écosystèmes naturels tels que les prairies, les tourbières ou les zones humides en forêts. Ce sont des habitats menacés qui doivent également être protégés.
Et enfin il est nécessaire de s’assurer de la diversité des espèces utilisées pour garantir une résilience et une adaptation des futures forêts. Un récent bilan publié dans Nature a montré que 45% des Green Pledges, c’est-à-dire les nouvelles forêts promises, sont des plantations en monoculture d’arbres à croissance rapide, comme l’acacia et l’eucalyptus, généralement destinés à la fabrication de pâte à papier (Simon L. Lewis et al, 2019).
Prendre le temps de planifier les opérations de restauration des écosystèmes évitera des erreurs coûteuses.
Découvrez des projets de reforestation
La décennie de l’action !
« Prévenir plutôt que guérir ». Voilà une leçon que nous devrions retenir de la crise sanitaire de la COVID-19. Alors pour cette nouvelle décennie, placée sous le signe de l’action, il sera nécessaire de mettre la préservation des écosystèmes, notamment des forêts, à un niveau de priorité absolue. La préservation et la restauration des forêts sont les deux faces d’une même pièce et ne devraient jamais être traitées indépendamment.
Ensemble, entrons dans la décennie de la préservation et de la restauration des forêts !